Avec une politique familiale qui a longtemps privilégié les mères actives, la position professionnelle des femmes françaises fait figure d’exception en Europe : contrairement aux sociétés méditerranéennes où le « rôle de la femme » demeure majoritairement inactif, la France a su porter le taux d’emploi de celles-ci à 57,6%, légèrement au-dessus de la moyenne européenne ; mais à l’inverse des sociétés scandinaves et germaniques où l’activité féminine est plus développée, elle a également maintenu un indice de fécondité élevée (1,95 enfants par femme, 2e après l’Irlande).

C’est que, dans notre pays plus qu’ailleurs, la conquête de l’égalité passe par une égale capacité à conjuguer épanouissement personnel et professionnel.

Parité : seulement 24% des entreprises

On aurait tort, pourtant, de penser que les femmes ont les mêmes chances de choisir leur carrière que les hommes. D’abord parce qu’une travailleuse sur trois occupe un poste à temps partiel, de telle sorte que 82% de ces emplois et 80% des salaires inférieurs au Smic concernent aujourd’hui des femmes. Ensuite, parce que les carrières demeurent largement dictées par un déterminisme sexuel. Aujourd’hui en France, moins d’une entreprise sur quatre emploie une proportion « paritaire » de collaborateurs (au moins 40% de travailleurs des deux sexes), ce qui en dit long sur la cohérence sexuelle de chaque secteur économique. Ainsi en est-il du bâtiment qui emploie moins de 9% de femmes et à l’opposé, de la santé et de l’éducation qui en emploient près de 75%.

La première explication de la sous représentation des femmes dans les activités « techniques » tient dans leurs choix de formation : alors que 54% des bacheliers sont des bachelières, les jeunes filles ne représentent par exemple que 29% des effectifs en classe préparatoire scientifique, et 25% des élèves ingénieurs. De la même façon, elles progressent moins dans l’entreprise, n’y représentant que 36% des cadres, et même 30% pour le seul secteur privé. Il est néanmoins difficile d’estimer dans quelle mesure ces choix sont personnels ou le reflet de préjugés réels ou supposés des recruteurs.

Des comportements labellisés

C’est afin de lutter contre ces idées reçues et leur image « machistes » qu’une quinzaine d’entreprises de secteurs généralement considérés comme masculins (PSA, EADS, Eurocopter, Orange…) ont obtenu le « label égalité professionnelle » décerné par l’Afaq, et qui valide les actions menées en faveur de l’égal accès des hommes et des femmes au recrutement, à la formation, à la promotion, ou a la prise en compte de la parentalité. « L’objectif est de recruter, pour chaque filière professionnelle, une proportion de femmes équivalente à celle des candidatures reçues » souligne Jean-luc Vergne, directeur des relations et ressources humaines de PSA Peugeot Citroën. Cette politique volontariste a ainsi permis l’embauche de 1372 femmes en CDI en 2004, soit 25,8% des recrutés contre moins de 12% cinq ans auparavant. Un tour de force d’autant plus délicat que paradoxalement, les « entreprises citoyennes » s’engageant résolument dans la voie de l’égalité professionnelle ne peuvent espérer inverser la tendance au moyen d’une « discrimination positive » à l’embauche.

Car en France, impossible d’ajouter une mention « candidatures féminines appréciées » comme on peut le voir dans d’autres pays. La promotion de la parité passe donc de plus en plus souvent par l’utilisation de réseaux et clubs qui regroupent les femmes chefs d’entreprise ou cadres supérieurs (tels FCE, l’AFEE, Action’Elles ou Dirigeantes), et l’insertion d’annonces neutres sexuellement dans un contexte éditorial orienté sur les femmes, leur gestion de carrière, l’égalité professionnelle ou la coexistence entre ambition professionnelle et parentalité. Certains de ces espaces font même l’objet d’un domaine Internet spécifique, comme sur Monster qui propose un site « féminin »… Après les métiers, les niveaux de formation et les régions, le sexe deviendra-t-il le prochain marqueur de la segmentation du marché du recrutement ?

Et la création d’entreprise ?

Avec 30% de femmes dirigeantes d’entreprise et guère plus de 15% ayant créé leur propre activité, les femmes françaises entreprennent moins que leurs consoeurs européennes (y compris en Europe du sud). Mais le plus inquiétant est peut-être que cette proportion n’a pas évolué au cours des 20 dernières années qui ont pourtant été marquées par la forte féminisation du marché du travail.

Pour Gaetane Hazeran, présidente d’Action’Elles, les causes en sont multiples. En premier lieu, les ressorts de la motivation sont différentes : si les hommes font essentiellement des choix de carrière basés sur des opportunités professionnelles, les femmes y recherchent une liberté supplémentaire, notamment pour mieux concilier leurs différentes vies. L’on retrouve ainsi fréquemment le modèle traditionnel où l’habitat se trouve immédiatement au dessus de la boutique ou de l’atelier. Elles sont également plus sujettes au coup de cœur et à une vision idéalisée de l’entreprise.

Pour ces raisons, le taux d’échec des entreprises féminines reste supérieur de près de10% à celui constaté en moyenne. Elles présentent également une moindre rentabilité. Plus individualistes dans leur gestion, elles rechignent notamment à s’entourer, à passer le cap des premiers salariés et à s’intégrer aux réseaux, alors que l’on sait que le succès des entreprises est largement lié à la qualité de l’accompagnement de l’entrepreneur. Pourtant, passé les difficultés de démarrage, les entreprises féminines présentent des résultats similaires, et même supérieurs dans le cas de reprise d’entreprise, notamment familiale.

C’est donc d’abord, pour Gaetane Hazeran un problème d’éducation. « les femmes françaises n’ont pas été élevées dans l’optique d’entrer dans le monde des affaires, et encore moins de se mettre à leur compte ». C’est donc pour les accompagner et parfaire la culture entreprenariale qu’existent les clubs de dirigeantes.

Plus d’infos : http://www.actionelles.fr