C’est la matière première du recrutement : chaque année, environ un employé sur six (3 millions de personnes) change d’établissement, d’entreprise ou de région. Cette mobilité concerne principalement des postes peu qualifiés, au cours des premières années de vie professionnelle, dans des petites structures et des secteurs à fort turnover (l’hôtellerie restauration, et loin derrière elle, le spectacle, la construction, l’éducation et le commerce). Inversement, les contours géographiques de la mobilité sont d’autant plus larges que la qualification est élevée : 53% des cadres quittant leur emploi changent de département, contre 34% des employés qualifiés et 25% des non qualifiés…

 EuropeChance ou contrainte ? La mobilité est aujourd’hui le premier synonyme d’évolution de carrière, deux promotions sur trois intervenant aujourd’hui dans le cadre de recrutements externes (soit le double d’il y a dix ans). Au total, 7,5% des salariés ayant changé d’entreprise dans l’année ont connu une augmentation de leur niveau de qualification, contre 0,5% de ceux qui ont conservé le même employeur (1). Mais si les cadres s’y déclarent prêts (57% sont prêts à changer de région, 47% d’entreprise et 35% de pays), seuls 2% sont effectivement en recherche, et 89% recherchent en priorité dans leur région.

Nous avons donc interrogé un candidat, un recruteur et un jobboard sur cette mobilité.

L’avis du recruteur : Jean-Jacques Roseti, Humblot Grant Alexander

La mobilité est aujourd’hui un critère essentiel de recrutement. D’autant plus essentiel qu’elle est devenue une denrée rare. 8 candidats sur 10 nous répondent généralement qu’ils ne sont pas prêts à déménager. Cela s’explique aisément : à partir de 30/35 ans, ce n’est souvent plus un, mais deux postes qu’il faut trouver… deux nouveaux emplois dans une nouvelle région : c’est un risque important que beaucoup de personnes ne veulent pas courir.

C’est pourtant un risque payant : les candidats qui ont le plus bougé au cours de leur carrière sont aussi les plus chers. On rémunère donc ce risque. La mobilité est donc un bon calcul, et ce d’autant plus que les recruteurs sont aujourd’hui tolérants face à l’échec. On ne rencontre plus de parcours sans faille, de candidats qui aient continuellement progressé au cours des 10 dernières années… les accidents de parcours font partie d’une carrière normale, et l’on ne leur tiendra pas rigueur d’avoir pris des risques, s’ils peuvent expliquer et analyser les causes de l’échec.

L’avis du candidat : Béatrice Boutter, ingénieure qualiticienne

J’ai l’impression que les recruteurs tiennent des discours un peu schizophrènes sur la mobilité. Ils valorisent l’évolution professionnelle mais cherchent le plus souvent des candidats ayant déjà plusieurs années d’expérience dans la même fonction, et si possible chez un concurrent…

Au niveau géographique, on nous explique qu’il faut au minimum une mobilité nationale, mais à chaque fois que j’ai postulé hors de ma région, on m’a demandé si je ne menais pas ma carrière au détriment de mon équilibre personnel, si mon mari avait l’opportunité de me suivre, si je ne risquais pas de regretter mon choix… C’est peut-être une impression, mais je crois que ce ne sont pas des questions que l’on poserait à un homme.

En définitive, j’ai réussi à quitter la Lorraine pour travailler à Grenoble, mais uniquement en me faisant recommander par mon réseau… C’est une autre façon de rassurer les recruteurs, qui ne sont pas prêt à prendre de risques en ce moment… Et la mobilité n’est pas nécessairement quelque chose de rassurant.

L’avis du JobBoard : Denis Hervé, Ouest-France Emploi

Notre site rencontre une audience de 400 000 à 550 000 visiteurs selon les mois, dont 80% vivent d’ores et déjà dans l’ouest, et leur niveau de mobilité est très restreint : seuls 20% de ces visiteurs accepteraient un poste hors de leur région. La localisation géographique représente, avec le salaire et les missions du poste proposé ; les 3 critères privilégiés par eux. Un site régional comme Ouest-France emploi est donc moins un facteur de mobilité (qui inciterait des travailleurs à venir dans l’ouest) qu’un moyen pour les entreprises de toucher des candidats proches de leurs implantations, et de leur proposer des emplois qui répondent à cette forte demande de proximité. La marque « Ouest-France » bénéficie d’une forte légitimité dans le domaine de l’emploi dans l’ouest ; elle s’adresse à tous les profils et tous les secteurs d’activités : aussi bien aux cadres supérieurs qu’aux ouvriers en bâtiment. Cette spécificité nous permet de toucher sur Internet des populations que l’on ne recrutait habituellement pas sur ce média. C’est cette cohérence entre supports qui nous permet de proposer une multitude de solutions